Par Emma Fontayne, Catherine Buteau et Chloé Lebouc
Le 3 octobre prochain, les Québécois se rendront aux urnes, afin d’élire leur nouveau.elle premier.ière ministre du Québec, clôturant ainsi un cycle électoral mouvementé. Le coup d’envoi de la campagne a été donnée le 29 août dernier, et depuis, plusieurs grands thèmes ont été mis sur la table, à coups de mots-clés quotidiens : « inflation », « pénurie de main-d’œuvre », « francisation », « santé ». Si tous ces thèmes sont bien réels et primordiaux pour les Québécoises et Québécois, derrière les idées et les programmes électoraux nous assistons aussi à une bataille rhétorique haute en couleurs.
Afin de vous permettre de mieux comprendre tous les enjeux et les grands débats à venir avant le rendez-vous aux urnes, nous avons décrypté pour vous les propositions et l’éloquence des candidat.e.s concernant l’économie et la francisation – des thèmes qui semblent bien partis pour polariser la joute verbale cette année et qui sont clés pour les organisations souhaitant opérer (et communiquer) dans la province. Et puis, en bons professionnels des relations publiques, on le sait, les mots ont de la valeur.
Mêmes maux, différents mots :
Bien que les sondages annoncent le premier ministre actuel, François Legault, et la Coalition Avenir Québec (CAQ), comme grands favoris de ces élections, ses quatre adversaires et lui devront chacun faire face à leur lot de défis : la place de second est tout aussi importante, et les sièges restent à prendre.
C’est ainsi que l’inflation est rapidement devenue l’un des chevaux de bataille collectif de cette campagne, avec pour arme, l’impôt, que l’on propose des économies, des gains, de l’aide ou plus de justice sociale.
- Du côté du Parti libéral du Québec (PLQ), la rhétorique électorale met l’accent sur la problématique de la pénurie de main-d’œuvre rampante et qui aurait été « ignorée » par l’administration actuelle, ainsi que sur les façons de renflouer les poches des contribuables face à l’inflation. Dans le cadre de son « Plan Portefeuille », la cheffe Dominique Anglade propose une réduction d’un point et demi de pourcentage sur les deux premiers paliers d’imposition pour octroyer des gains aux contribuables, une bonification du crédit d’impôt pour les plus démunis, un gel des tarifs d’Hydro-Québec et la levée de la taxe de vente du Québec (TVQ) sur les produits de première nécessité – il faut « agir », appuie-t-elle.
- François Legault, s’il est réélu, souhaite mettre en place un « Bouclier anti-inflation » par une aide financière de 400 à 600 $ pour les foyers gagnants moins de 100 000 $. Face à son opposant libéral, il table plutôt sur une baisse d’un point de pourcentage des deux premiers paliers d’imposition dès 2023, une économie « limitée », sur fond de champ lexical de la « prudence » pour faire face, explique-t-il, au ralentissement économique annoncé et pour éviter « l’austérité libérale ».
- Le Québec solidaire (QS) de Gabriel Nadeau-Dubois souhaite lui aussi lever la TVQ sur les produits de première nécessité pour venir en « aide » à tout-un-chacun, et pas seulement aux contribuables les plus nantis. L’auto-proclamé « parti du portefeuille des Québécois » planifierait de maintenir ces mesures jusqu’à ce que l’inflation revienne à son niveau normal de 3 %.
- Ce programme solidaire est critiqué par le Parti Québécois (PQ) de Paul Saint-Pierre Plamondon, accusant ce dernier de profiter aux « millionnaires ». Le parti péquiste propose des aides ciblées et temporaires, visant une transition vers une économie dite « juste » et tout en évitant le risque d’austérité. Elles prendraient la forme d’une « allocation pouvoir d’achat » de 1 200 $ pour les personnes gagnant moins de 50 000 $ et de 750 $ pour celles gagnant entre 50-80 000 $, remise d’ici au 31 décembre. Le péquiste propose aussi de doubler de crédit de solidarité, accusant à leur tour les deux partis de tête de favoriser les « nantis ».
- Quant à Éric Duhaime et au Parti conservateur du Québec (PCQ), ils souhaitent baisser le « fardeau » fiscal, saluant même l’initiative du QS au passage, tout en accusant la CAQ de copieur. Pour ce faire, le PCQ propose la baisse des deux premiers paliers la plus conséquente (deux points de pourcentage), en plus d’abaisser le montant personnel de base, ou encore de supprimer la taxe à la revente des biens de consommation d’occasion, comme les voitures.
La rhétorique du français
La loi 96 adoptée par la CAQ sur la francisation des entreprises du Québec fait elle aussi couler beaucoup d’encre, alors que le dernier recensement de Statistique Canada publié il y a trois semaines annonçait que le nombre d’habitants de la province parlant le français à la maison avec reculé, passant de 77,1 % en 2016 à 74,8 % en 2021. Un pan de la loi vient également d’entrer en vigueur, rendant désormais illégal pour les notaires de publier des actes en anglais au registre foncier et au registre des droits personnels et réels.
Quant est-il du positionnement des partis? Soutenant cette volonté de « promouvoir » la langue française, mais non rassasié par la loi 96, le PQ promet d’adopter une loi 101 en prônant notamment une immigration économique 100 % francophone pour « renverser le déclin » du français au Québec.
Le PLQ de Dominique Anglade, traditionnellement proche de la communauté de langue anglaise ne s’est toujours pas prononcé à ce sujet dans le cadre de la campagne, mais a récemment annoncé s’opposer à l’obligation de suivis de trois cours en français pour les étudiants non francophones de collèges anglophones, mais fustigeant toutefois le patron de Couche-Tard pour ne pas avoir tenu son « engagement » d’apprendre le français. Une ambivalence qui sème la confusion dans ses rangs. QS quant à lui, profite de cette campagne pour dénoncer l’arrogance de l’unilinguisme anglophone des grands patrons de sociétés québécoises et dit vouloir mettre son « énergie » à la francisation des milieux de travail, en commençant par la « tête des entreprises ». Le parti entend aussi amender la loi 96 pour forcer les hauts dirigeants à parler français. Enfin, le PCQ est davantage en mode séduction de la communauté anglophone, soulignant qu’elle est actuellement prise pour un « punching bag », et propose donc de l’abolir.
Évidemment, voter est une décision extrêmement personnelle qu’il faut prendre avec sérieux : afin de vous permettre d’accéder à toutes les informations nécessaires pour se rendre devant l’urne, nous vous invitons à explorer en détail les propositions politiques dans le programme de chaque parti.
Rendez-vous aux urnes le 3 octobre – et d’ici là, nous vous laissons avec les slogans de cette campagne, saurez-vous deviner à qui ils appartiennent?
- « Continuons »1
- « Votez vrai. Vrais enjeux. Vraies solutions. »2
- « Changer d’ère »3
- « Le Québec qui s’assume. Pour vrai »4
- « Libres chez nous »5
1 – Coalition Avenir Québec (CAQ) ; 2 – Parti libéral du Québec (PLQ) ; 3 – Québec solidaire (QS) ; 4 – Parti Québécois (PQ) ; 5 – Parti conservateur du Québec (PCQ)