Chloé Lebouc and Estefanía Lovera Marín
Fondamentalement, les grands principes restent les mêmes d’un océan à l’autre. Mais tout est dans le titre : les relations publiques sont des relations. Et en ça, nous avons définitivement un différent tempo. De la façon de gérer les relations interpersonnelles, aux tendances socio-économiques en passant par le langage et les aires d’influence, nous n’avons pas tout à fait les mêmes lunettes sociales.
La question initiale que les organisations et professionnels des communications doivent élucider celle de savoir pourquoi adapter sa stratégie de communication en français. Si vous êtes prêts à vendre, ou vendez déjà, des produits et services dans la belle province, la première raison est évidente : deuxième marché au pays, enregistrant le plus faible taux de chômage et une grande résilience économique – savoir s’adresser au consommateur québécois est définitivement bon pour les affaires. Le second est plus créatif, mais tout aussi bon pour les finances. Nous le voyons tous les jours : les fois où on a mis des cerveaux québécois et ontariens ensembles autour de la table (ou du Zoom) font parties de celles qui ont fait émerger les programmes de communication les plus inventifs et les plus performants. Vous voilà prêts à communiquer dans notre province : comment mettre en œuvre des programmes de relations publiques efficaces et adaptables d’un marché à l’autre?
En développant un bureau montréalais au sein d’une agence nationale, Kaiser & Associés (Kaiser & Partners à Toronto) a su faire des RP pancanadiennes une force – et nous avons compilé ci-dessous notre top 5 des meilleures pratiques pour vous aider!
- Soyez mordus de statistiques : les grandes tendances socio-économiques diffèrent
Alors que l’enquête statistique est au cœur de la nouvelle, force est de constater qu’on remarque très souvent des disparités – voire des tendances contraires – entre le Québec et les autres provinces canadiennes : appréhension du télétravail, écart salarial femme-homme, pénurie de main-d’œuvre, sont autant de macro-tendances qui peuvent révéler des écarts significatifs. Bien sûr, un pourcentage n’explique pas tout, et inversement, il faut comprendre la sociologie du marché pour pouvoir analyser un chiffre – mais ce sera un bon indice pour comprendre votre audience.
- Nos conseils: épluchez des rapports statistiques! Les chiffres du chômage sont publiés? Comparez les chiffres provinciaux, jetez un œil aux enquêtes démographiques, et voyez quelles tendances se dessinent. Si vous publiez vos propres enquêtes et que les résultats québécois varient, faîtes-en une information sur-mesure pour les médias locaux.
- Influences médiatiques : des vents venus d’Europe et des États-Unis
Alors que les marchés médiatiques du Canada anglophone lorgnent souvent du côté de leur voisin du Sud pour y dénicher les tendances, surveiller la bourse, ou anticiper l’inflation, le Québec a aussi le regard qui pointe vers l’Europe. Saviez-vous qu’on retrouve quotidiennement des articles émanant de l’Agence France Presse dans les médias québécois? Le Québec est à la croisée des mondes : l’Europe, notamment la France, les États-Unis et le Canada anglophone.
- Nos conseils: que vous vouliez alimenter des sujets médiatiques ou bien informer des parties-prenantes à travers les marchés, regardez des deux bords : suivez les correspondants de presse affectés en Europe et aux États-Unis, les décisions politiques majeures de part et d’autre, à quel niveau se situent les échanges entre les continents (échanges commerciaux? Culturels?) et les évolutions économiques.
- Penser directement sa stratégie pour plusieurs marchés à la fois vous emmènera plus loin
Intégrer le Québec dès la formation d’une stratégie nationale, vous permettra par exemple d’établir des échantillons statistiques assez larges pour pouvoir rendre compte des variations provinciales, ne pas oublier LA question qui fait résonnance localement, penser une stratégie médias sociaux bilingue, établir des messages clés qui font du sens partout, ou simplement, d’anticiper les points de divergence qui demanderont une plus grande adaptation, et trouver les ressources pour y répondre. Tout cela donnera lieu à des relations publiques plus affinées et « glocales » (à la fois nationales et locales).
- Nos conseils: restez agiles. Délimitez très tôt vos marchés cibles et identifiez les points de divergence en matière de communication. Intégrez tous ces éléments dans votre échéancier : créez-vous de l’espace pour aller chercher la bonne ressource d’adaptation stratégique culturelle – externe s’il le faut.
- On ne pitche pas les journalistes tout à fait de la même façon
La « danse » entre relationnistes et journalistes varie selon les marchés francophones et anglophones, notamment la façon de construire l’information et la rhétorique argumentaire. Ces nuances sont presque imperceptibles et il est impératif d’adapter culturellement son approche, ses notes de pitch, la façon de parler au téléphone ou faire des relances par courriel.
- Nos conseils: entourez-vous d’une équipe de relationnistes qui a un pied dans les deux marchés, cela permettra de démultiplier vos résultats, et de nouer des relations plus fortes entre votre marques et les médias locaux.
- La Francophonie est une façon de vivre
Parler une langue renvoie à une façon particulière de voir le monde. Si vous parlez plusieurs langues, vous avez pu constater qu’il y a des concepts culturels difficiles à retranscrire, quand d’autres font croyance commune. Une erreur fréquente est également de penser qu’il n’y a qu’un seul français : il y en a plusieurs, et tous forment ce qu’on appelle la « Francophonie », qui nous évoque une façon de vivre affirmée et défendue. Revenons à nos moutons : pour communiquer avec succès, il faut ressentir son marché, convaincre votre auditoire, générer une émotion chez votre consommateur. Il est donc essentiel de « géolocaliser » les contenus pour mieux retranscrire les messages clés.
- Nos conseils: la traduction du matériel de communication pancanadien doit toujours être opérée par une équipe qui provient du marché francophone cible. Puis, faites-les relire par un professionnel des RP avant de les diffuser, pour assurer la cohérence des messages clés et faire les adaptations finales. Enfin, tout en conservant le sens, ne bâtissez pas votre fiche de messages clés de la même façon. Elle devra peut-être être structurée différemment pour un porte-parole francophone, car nos moyens mnémotechniques peuvent varier.
Si naviguer d’un monde à l’autre peut poser des défis, selon nous, le jeu en vaut la chandelle : les différences créent et cultivent les grandes idées. Au-delà des bénéfices mesurables évidents, il y a aussi un quelque chose d’assez fascinant et empathique dans le fait de comprendre comment différents groupes se comportent. Le plus beau gain est donc immatériel : l’intelligence organisationnelle qui s’en émane.